Ce que j’aime c’est raconter les histoires, les petites et les grandes, avec ou sans micro… D’abord, je suis comédienne. Mais avant tout, surtout, ce que j’aime c’est sentir, sentir quand ça touche, quand ça porte, avant tout, surtout, ce que j’aime c’est sentir. Ensuite, j’écris.

Dans le conte, le chant, le théâtre, la fiction radiophonique ou simplement dans la vie, ce qui me touche en tant que spectatrice et auditrice, c’est quand je sens que le corps de celui qui agit est mobilisé. Quand je joue ou quand je chante, je sens que c’est mon corps tout entier qui s’engage pour donner cette note, ce mot juste, celui qui vibre et qui percute.

Je suis fascinée par les corps mais encore plus par les sons, les voix, les timbres, les grains, les souffles et les silences. Dans une voix j’entends la vie, toute une vie, plusieurs parfois, j’entends la personne toute entière, son histoire. J’écoute beaucoup, même ce que je ne comprends pas. La voix, ses sonorités, ses fluctuations et ses imperfections donnent toute l’épaisseur d’un monde. Cela touche dans la matière et dans la chair. La voix, le son, c’est physique, un monde physique de sons, de textures, de reliefs, de musiques et d’ambiances. Et c’est aussi le son donné au mot qui me fait frissonner.

Comment sentir et porter ce mot ?

J’ai une âme, un corps et une voix. Cette âme n’a pas de nom, ce corps non plus. Et pourtant, je m’appelle, ils m’appellent. Coraline. Ce mot là, dans mes oreilles, mon nom. Il est dit, je l’entends. Je l’entends, souvent. Je l’ai entendu : crié, joyeux, interrogatif, étonné, vindicatif, étonnant, agacé, marmonné, amoureux, hésitant… Mais toujours sincère.

Moi, je ne l’ai pas dit beaucoup.

Ma voix me nomme peu et si c’est le cas, c’est plutôt pour me donner des noms d’oiseaux ou me faire appeler Arthur. Égoïstement, blottie au coin des lèvres, elle me réserve ces mots bien sentis.

« La violence est ce qui ne parle pas » disait Gilles Deleuze.

Mais rassurez-vous, ma voix connait d’autres noms que le mien. C’est à cela qu’elle s’emploie le mieux d’ailleurs : à dire les mots, ceux des autres, les miens parfois, l’amour et la violence, défaire et refaire les mondes, leurs histoires et raconter leurs noms. Je l’écris, je les dis, je les chante, ils sortent.

Fini le coin des lèvres ! Je vise et je touche.

Et « confidence pour confidence, c’est moi que j’aime à travers vous. » chantait Jean Schultheis.

Ma voix, mon corps, mon chant, mon verbe sont mes outils de canalisation. Canaliser, non pas comme un fleuve, quoique, mais bien au sens de maîtriser l’effervescence de mon être en un lieu.

Mon corps.

Canaliser les fréquences. Éviter la dispersion. Et surtout, surtout permettre une circulation et un libre échange dans les flux d’informations.

Oui, le mot, celui qui dit, le vivant, oui, c’est par lui que l’innommable se dit.

Coraline